Les 5 critères pour évaluer les stratégies de placement

 

Une stratégie d'investissement est comme un devis de recherche scientifique: elle doit reposer sur un ensemble de règles claires et rigoureuses pour être acceptable.

 

Pour m'en tenir à l'essentiel, je dirai qu'il y a cinq principaux critères qui permettent d'apprécier les mérites et les vertus d'une stratégie d'investissement. Afin d'être acceptable et bien adaptée aux intérêts et aux capacités des investisseurs individuels, une stratégie d'investissement se doit d'être:

 

­valide

 fidèle

 compréhensible

simple

 systématique

 

La validité d'une stratégie d'investissement est sa capacité de don­ner des rendements futurs qui correspondent à ses rendements passés. En science, la validité exige d'abord qu'un objet particulier puisse être observable. Ensuite, la théorie doit être vraie et en bonne adéquation avec la réalité qu'elle cherche à expliquer. Enfin, la théorie doit permettre d'établir de bonnes prédictions.

 

On n'en attend pas moins d'une bonne stratégie d'investissement: elle doit reposer sur des hypothèses observables qui s'accordent le plus parfaitement possible avec l'univers de la Bourse et des investis­seurs. Plus exactement, elle doit savoir reconnaître les facteurs qui contribuent à définir le rendement des titres boursiers, et elle doit connaître les relations d'influence qui existent entre ces facteurs. Ce n'est qu'à cette condition que ses prédictions pourront s'avérer assez justes. En termes clairs, une stratégie sera d'autant plus valide qu'elle a été testée sur une longue période boursière et dans plusieurs marchés boursiers à la fois.

 

On pourrait même affirmer que la validité d'une stratégie, au bout du compte, est sa capacité de battre le marché ou un indice de référence. Il existe des stratégies populaires d'investissement qui ont fait l'objet d'une enquête minutieuse pour en déterminer l'efficacité durant une période de 50 ans, voire 100 ans d'historique boursier. D'autres n'ont jamais été vérifiées et ne le seront probablement jamais, notamment à cause de carences sur les plans de la fidélité, de la compréhension et de la simplicité.

 

La fidélité d'une stratégie d'investissement fait référence à son caractère reproductible. Elle est une condition de sa validité. Dans le domaine des sciences, humaines ou physiques, on dit d'une mé­thode scientifique ou d'un devis expérimental qu'ils sont fidèles si l'on peut répéter le test sur des objets comparables en obtenant le même résultat. Ce qu'on appelle la reproductibilité de la démarche de découverte et d'établissement de la preuve est un principe fondamental de toute science qui se respecte.

 

On voit immédiatement le parallèle qu'il est possible d'établir avec l'activité humaine de l'investissement: une stratégie de placement sera considérée comme étant parfaitement fidèle si deux investis­seurs différents, qui travaillent séparément et sans se parler, sont en mesure d'appliquer cette stratégie pour arriver exactement au même portefeuille, avec les mêmes titres et dans les mêmes proportions, pour ainsi obtenir des rendements identiques.

 

Une stratégie d'investissement qui n'est pas reproductible n'est pas, à mon sens, une bonne stratégie. Du moins, elle ne devrait pas être recommandée à l'investisseur moyen. Les stratégies de Warren Buffett et de Peter Lynch ont certes procuré des rendements fantas­tiques à long terme, mais on est malheureusement dans l'obligation d'admettre que leur degré de fidélité est très bas.

 

La stratégie qui consiste à acheter tous les titres (il y en a 30) de l'indice Dow Jones, en consacrant le même montant d'argent à chacun et en conservant ce portefeuille durant 10 ans, est une stratégie parfaitement fidèle. Deux investisseurs qui s'ignorent (l'un au Canada et l'autre en France) et qui appliquent cette stratégie obtiendront exactement le même rendement.

 

Une stratégie qui n'est pas compréhensible n'est pas une bonne stratégie. On doit être en mesure de l'interpréter correctement pour lui accorder du crédit. «L’interprétabilité» d'une stratégie d'in­vestissement est sa faculté à utiliser des termes clairs, précis et sans équivoque. Elle est d'ailleurs une condition de sa fidélité, comme celle-ci est une condition de sa validité. À l'instar de toute discipline scientifique, une stratégie de placement ne vaut la peine qu'on s'y arrête que si elle est en mesure de définir adéquatement et de façon compréhensible tous les principaux concepts qu'elle utilise et les déductions auxquelles elle procède.

 

Toutefois, tout un pan de l'analyse financière repose sur une approche qualitative, ce qui rend plus difficile la communication entre les investisseurs, et entre ceux-ci et les acteurs économiques. Par exemple, un certain nombre de stratégies insistent sur l'impor­tance d'investir dans des sociétés où l'équipe de direction est compé­tente, dynamique, honnête et soucieuse de l'intérêt des actionnaires. Or, l'on pourrait discuter longtemps de ces notions pour déterminer à quoi elles font référence exactement. La très grande majorité des insti­gateurs de stratégies d'investissement populaires qui ont avancé sur ce terrain glissant l'ont souvent fait avec un langage et un vocabu­laire peu détaillés et très peu précis. Cela entraîne de gros problèmes d'interprétation de leurs idées, et de reproductibilité (ou fidélité) de leur méthode.

 

Une stratégie dont les critères sont observables, mesurables et quantifiables sera toujours préférable à celle dont les critères ne le sont pas. C'est souvent à cette condition qu'il est possible de l'inter­préter de façon univoque. On pourrait dire, pour employer une expression à la mode, que ses principes doivent être objectifs. Dès qu'un principe laisse une trop grande place à l'interprétation de tous et chacun, il n'est pas fiable. C'est le cas de l'affirmation selon laquelle un bon investissement est celui qui est fait dans une compagnie dont la direction est honnête et compétente. Ce genre de principe laisse trop de place à l'interprétation pour être valide. Il n'est pas dit qu'on n'ar­rivera pas un jour à mesurer adéquatement les caractéristiques de l'équipe dirigeante des entreprises, mais, jusqu'à ce jour, aucun chercheur n'a sérieusement testé cette variable et son effet sur le rendement des actions.




Le quatrième critère d'évaluation d'une stratégie d'investissement est son degré de simplicité. Ce critère n'est pas le plus important, mais il a sa place dans la méthodologie des sciences comme dans celle des stratégies de placement. Dans l'activité scientifique, la sim­plicité est une qualité admise depuis fort longtemps. Entre deux explications d'un même phénomène, les savants retiendront habituellement l'explication la plus simple.

 

En matière d'investissement, nous verrons que les stratégies les plus rentables ne reposent pas sur 10 ou 20 critères, mais sur trois ou quatre critères. D'ajouter un plus grand nombre de facteurs de sélection de titres ou de prévision des marchés dans une stratégie n'améliore en rien son efficacité. Au contraire, elle perd en rende­ment et en efficacité. Certains chercheurs institutionnels ont tenté, en toute bonne foi, de construire des grilles de sélection dans lesquelles un titre devait posséder une dizaine de caractéristiques pour être retenu. Or, les portefeuilles ainsi constitués ne donnaient pas un meilleur rendement que ceux construits avec une grille n'exigeant que deux ou trois qualités de la part des titres considérés.

 

Enfin, le cinquième et dernier critère nous permettant d'évaluer une stratégie d'investissement est son caractère systématique. Tous les titres du marché boursier visé par la stratégie doivent pouvoir être examinés, passés en revue et comparés. En somme, le marché au complet doit être tamisé ou filtré au moyen de la grille de sélec­tion de la stratégie.

 

Le meilleur exemple est lorsque l'on compare les enquêtes par sondage avec la technique des entrevues non directives. Certains sociologues ou psychologues ne jurent que par la technique des entre­vues en profondeur afin de vérifier leur théorie. Ils peuvent passer une centaine d'heures avec le même individu pour en savoir le plus possible sur lui. L’inconvénient de cette méthode est que le chercheur peut difficilement interroger plus d'une cinquantaine de sujets.

 

Certains investisseurs sont persuadés que leur stratégie d'in­vestissement est parfaite du fait qu'elle respecte chacun des quatre premiers critères que j'ai énoncés. Ils sont toutefois moins rigoureux en ce qui concerne l'étendue du groupe de valeurs - de la popula­tion, diraient les sondeurs d'opinions - qui sera soumis à leur grille d'évaluation. Jamais il ne leur est venu à l'esprit qu'ils devaient filtr­er la totalité des titres cotés sur un marché boursier pour être vrai­ment rigoureux.

 

Ainsi, pour qu'une stratégie soit considérée comme véritablement systématique, elle doit, dans la pratique, dans l'application concrète de sa méthode, faire en sorte que tous les titres d'un marché soient examinés afin de ne sélectionner que les meilleurs et les plus accom­plis d'entre eux, selon les critères de choix retenus au départ. Absolument toutes les compagnies inscrites à un marché boursier seront passées à la loupe. Il n'y aura aucun biais dans la sélection de départ. Aucun titre ne sera ignoré.

 

Idéalement, les critères de sélection doivent être élaborés pour que, à la fin du processus de tamisage, il reste un nombre raisonnable de titres pouvant constituer un bon portefeuille, bien diversifié, com­prenant de 20 à 50 titres.

 

J'ai été surpris de constater à quel point, grâce à ces cinq concepts de la méthodologie des sciences, on arrive à évaluer la pertinence et le bien-fondé de toute stratégie d'investissement, quelle qu'elle soit. Cela n'est pas étonnant, puisque les stratégies d'investissement ne sont ni plus ni moins que des modèles économiques qui tentent d'in­terpréter la réalité et, surtout, de la prévoir.

 

Une stratégie d'investissement qui repose sur de bonnes hypothè­ses et de bons principes - validés, compréhensibles, reproductibles, organisés de la manière la plus simple possible et appliqués de façon systématique - devrait permettre de faire des prédictions relative­ment justes: des prédictions qui aident à savoir ce que feront les valeurs boursières et le rendement qu'elles devraient procurer. Évidemment, il ne s'agit pas d'être précis au centième de pourcen­tage, car nous ne sommes pas ici dans l'univers de la physique ou de la chimie, mais dans un système social composé d'êtres libres, volontaires, rationnels à l'occasion, mais aussi irrationnels et émotifs à d'autres moments.

 

Constatations

Le respect des 5 critères tels qu’élaborés par André Gosselin, résulte, entre autres, en une performance particulièrement régulière des portefeuilles modèles.

Ainsi le respect des critères fait en sorte que la probabilité est élevée de vaincre les rendements des indice de référence à chaque trois ans et possiblement durant la plupart des années civiles. Un portefeuille dont les rendements sont irréguliers a tendance à décourager les investisseurs, son rendement étant affecté par des ventes et des achats non justifiés. De plus les portefeuilles respectant ces critères ne sont pas corrélés aux modes cycliques d’investissement par thème.

Enfin l'historique de recherches académiques effectuées sur la bourse américaine et ailleurs sur les bourses internationales, sur des périodes allant de 20 ans jusqu'à 46 ans a démontré que gérer selon ces méthodes systématiques aurait généré des rendements d'environ 5 % de plus par année que les indices de référence. Les résultats de notre propre expérimentation via nos portefeuilles modèles édités dans le site ont été intéressants puisque le rendement ces portefeuilles a vaincu leurs indices de référence par environ 10 % en moyenne par année depuis 4 ans.